Le paradoxe du changement

Je parle ici de paradoxe, car du point de vue de la Gestalt-thérapie ce qui s’oppose le plus au changement… c’est la volonté de changer.

Ceci semble au premier abord être en contradiction avec mon article précédent. Je parlais en effet des difficultés premières du patient qui se trouve confronté à un problème d’ordre psychologique et de la nécessaire prise de décision qu’une transformation s’impose. Cependant cette volonté de faire évoluer une situation bloquée ne peut passer que par l’acceptation de cette situation. Le désir de changement est indispensable car c’est lui qui va fournir l’énergie nécessaire au patient pour lui permettre de faire face à ses propres blessures, forces, faiblesses et contradictions. Ce désir de changement doit cependant rapidement être dépassé pour laisser la place au travail thérapeutique.

Ce paradoxe peut être formulé de la manière suivante: le changement survient lorsque l’on devient ce que l’on est, et non pas lorsque l’on essaie de devenir ce que l’on est pas.

Nous nous trouvons en effet presque continuellement prisonniers de deux états subjectifs: celui ou celle que je crois être et celui ou celle que je pense devoir devenir. Cet écart crée une tension intérieure que la plupart de nos actions va s’efforcer d’amoindrir. Certains me répondront peut-être que nous sommes des êtres en devenir et que la transformation et l’évolution de ce que nous sommes sont essentiels. Ce n’est pas moi qui les contredirai, car la question que je pose est celle du « comment ? « . Comment changer et surtout vers quoi faut-il changer?. Comment savoir si l’idéal que nous nous fixons répondra vraiment à nos attentes, et s’il parviendra à calmer nos souffrances.

Ce qui se passe en fait lorsque nous voulons changer, devenir meilleurs, plus calmes, moins réactifs, moins impulsifs, plus généreux, plus ouverts, etc,est que nous ne faisons en fait que renier ce que nous sommes à cet instant précis. Cela reviens à affirmer  » tel que je suis, je n’ai pas de valeur. Si enfin je pouvais devenir celui ou celle que je rêve d’être alors je trouverai enfin la paix « . La vérité est que nous nous sommes construit un joli petit mensonge qui nous fait croire que plus tard ce sera bien mieux. Lorsque nous y croyons nous entretenons la tension et lorsque  tout espoir de changement a disparu nous nous trouvons dans un état dépressif, ne pouvant plus ni avancer ni reculer. Alors que faire? Si nous ne changeons pas notre situation nous resterons dans la souffrance et si nous voulons changer, nous renions ce que nous sommes et construisons des châteaux en Espagne qui entretiennent également la souffrance.

La réponse ne se trouve ni dans le passé et dans les regrets de ce qui aurait put-être, ni dans le futur et dans l’espoir de ce qui pourrait advenir. Elle se trouve dans l’instant présent.

Cela veut dire qu’il est bon de travailler avec ce qui se présente et d’accepter ce qui nous relie vraiment à nous-même ( et qui le plus souvent nous fait peur). Fritz Perls le fondateur de la Gestalt-thérapie avait coutume de dire qu’il n’est pas possible à un instant donné d’être autre chose que ce que l’on est. Si l’on devient ce que l’on est, alors le changement survient de lui-même. J’ai l’intime conviction que chaque aspect de nous même qui se manifeste à un moment donné est une expression directe de ce dont nous avons vraiment besoin. Nos peurs, nos joies, nos larmes, nos petits tremblements, les pensées qui se bousculent, ou bien les soudaines émotions, les refus et les blocages, chacune de ces manifestations que nous nous efforçons bien souvent de dissimuler, sont en fait les portes du changement que nous recherchons depuis si longtemps.

Le travail du thérapeute en Gestalt-thérapie consiste à accompagner son patient pour lui permettre de rétablir le contact avec toutes ces formes (Gestalt), avec toutes ces manifestations de l’être intime. Il s’agit d’un travail d’intégration dont les étapes sont souvent la confrontation et l’acceptation. Le thérapeute n’est pas l’acteur du changement, il ne va pas forcer, ni interpréter, ni influencer, ni faire quoi que ce soit à la place du patient. Le changement survient simplement de lui même lorsque le patient commence à intégrer les parts de lui-même qu’il ou elle avait auparavant refusées. En d’autres mots, le changement survient lorsque le patient devient ce qu’il est réellement, non pas ce qu’il pense être, mais ce qu’il expérimente.

Le parcours thérapeutique est donc de reconnaître ce qui s’exprime, de l’accepter, et enfin de laisser le changement se manifester de lui-même

.

Connais toi toi-même

Accepte tes ennemis intérieurs

Deviens ce que tu es

 

 

2 réflexions sur « Le paradoxe du changement »

  1. J’aime beaucoup cette description du mécanisme du changement. Après avoir suivi une analyse pendant plusieurs années, j’ai toujours été étonné du peu de changement qu’elle pouvait produire. Le chemin pour comprendre étant la plupart souvent intéressant et éclairant. Même avec la volonté de changer, les changements ne suivent pas. On ne veut pas se renier ou on reste dans le stade du « plus tard ce sera mieux ».
    La solution est bien d’abandonner l’idolâtrie d’un futur lointain et la démarche vengeresse d’un passé qu’on veut expier maintenant mais dans le présent et la liaison avec la réalité du moment.

    • Oui, le changement ne peux pas être seulement « pensé », ou il restera simple fantasme. Il s’agit d’une expérience à vivre.
      C’est le fait même d’expérimenter et de ressentir ce qui est là en attente d’être vécu qui est l’essence même de la transformation.
      Le processus du changement est ce qui vit en nous, agréable ou désagréable, et qui cherche à s’exprimer.
      Car ce qui ne s’exprime pas… s’imprime !

Répondre à CAT Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *